samedi 22 janvier 2011

Wake up...



Wake up.
Cette phrase était peu à peu devenue mon leitmotiv inconscient.
Elle résonnait dans ma tête et se répercutait dans mes paroles, mes écrits.
Elle s'amplifiait à mesure que je collectais les informations, que j'essayais de faire le tri, que je relayais. J'étais devenue un routeur humain parmi tant d'autres. Un routeur qui menaçait de tomber en panne à chaque horreur, à chaque mort, à chaque terreur communiquée.


Wake up.
Fi9, regarde ce qui arrive, comment peut-on continuer à nier l'évidence & à applaudir la mascarade?
Regarde, mais regarde! ça se passe du côté de chez toi, ça aurait pu être toi, ta sœur, ta voisine, ton copain. Et pourtant, tu n'as rien fait, tu n'as pas ouvert ta gueule. On est quand même venu te chercher. Tu pousse des cris de joie quand on te dit "plus de censure! plus de balles réelles! je vous ai compris!" alors qu'on enterre à côté deux gosses tués dans une mise en scène de casse. Please!
Shad', oui, toi, réveille-toi, ce n'est pas le moment de sombrer.


Wake up.
ça chuchotait dans ma tête ce matin du 14 janvier. Je me levais la terreur au ventre. J'avançais vers Tunis avec une boule à la gorge. Oui, j'avais peur. Au final, je ne suis qu'une pauv' laxiste lâche, casanière & "casual". J'avais peur des balles, peur de ne plus revoir les miens. J'avais en tête les images des morts, des gens traqués.
J'y allais pour faire une pièce de la mosaïque humaine, pour grossir la foule. Pour ne plus laisser les autres choisir à ma place, pour ne plus attendre que ça parte tout seul, ou grâce aux autres.
Je voyais des visages inconnus & pourtant tellement familiers, bienveillants, heureux d'être en vie.
Je ressentais la foule, je la vivais. Je gueulais avec, j'évoluais avec.
Ma peur se fondait dans la rage collective, elle s'évacuait sur mes joues.
Je me surprenais à scander un hymne auquel je ne faisais jamais attention auparavant, à chercher avidement des yeux un drapeau qui avait perdu son couffinisme.
Je voyais des gens passer, sourire, s'excuser, s'aider, discuter, hurler en chœur. Des jeunes, des moins jeunes, des dames bureaucrates, des vieux aux bérets, des fonctionnaires, des ouvriers, des juges...
On étouffait toute violence, toute agressivité, & on soutenait toute défaillance.


Wake up.
Non, tu ne rêve pas. Tu es bien dans ce train que l'on rapportait attaqué par les foules en colère. Le train était quasi désert, tranquille, si l'on exclut cette vitre brusquement détachée en marche, & que deux jeunes se sont hâtés de poser dans un coin pour dégager le passage.
Non, tu ne rêve pas. Ceux que tu as laissé derrière se font courser, chasser à coups de bombes lacrymogènes. Your time is over, go home. Barra al3eb b3id. You're annoying us!
La gare brûle, et les gens tombent, oui, cette même gare que tu as laissé derrière toi. Oui, ça se passe dans le pays de la paix & de la sécurité. Bél amni wél amèn, ya7ya houna el insèn. Peut-être, mais il n'y meurt sûrement pas en amn wa amèn.


Wake up.
Oui, il s'est barré. Il a pris ses jambes à son cou, il a fui la colère de ses "fils & filles".
Phoque!
Tu peux respirer, tu peux te sentir libre. Pourquoi je n'y arrive pas?..

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire