lundi 14 février 2011

Be free to travel, come to Tunisia!



January 14th, 2011. About 10 million tunisians said no to a dictator, and threw him out. Today, we are celebrating one month of freedom. We are saying yes to you, to come spend your holidays in Tunisia.



You'll be one of the exclusive direct witnesses of a rare peaceful post-revolution period.
Prepare yourself and your camera to enjoy not only the sunny beach and beautiful landscapes, but also streets and buildings freed from the president pictures and other purple stuff that used to dirty the walls and shops. You can catch there amazing and unusual scenes. You may bump into miscellaneous micro-demonstrations all over Tunis close to people shopping and working normally.

Discuss with proud people eager for dignity, consideration and freedom, and discover a generous culture, welcoming faces and, of course, a colorful gastronomy.
If you worry about security issues, Jerba island and coastal regions are safe. You'll be soon able to visit interior regions too, and explore the cradles of the revolution from Sidi Bouzid to Tunis.

Be fashionable, be free.. go Tunisia!

samedi 22 janvier 2011

Wake up...



Wake up.
Cette phrase était peu à peu devenue mon leitmotiv inconscient.
Elle résonnait dans ma tête et se répercutait dans mes paroles, mes écrits.
Elle s'amplifiait à mesure que je collectais les informations, que j'essayais de faire le tri, que je relayais. J'étais devenue un routeur humain parmi tant d'autres. Un routeur qui menaçait de tomber en panne à chaque horreur, à chaque mort, à chaque terreur communiquée.


Wake up.
Fi9, regarde ce qui arrive, comment peut-on continuer à nier l'évidence & à applaudir la mascarade?
Regarde, mais regarde! ça se passe du côté de chez toi, ça aurait pu être toi, ta sœur, ta voisine, ton copain. Et pourtant, tu n'as rien fait, tu n'as pas ouvert ta gueule. On est quand même venu te chercher. Tu pousse des cris de joie quand on te dit "plus de censure! plus de balles réelles! je vous ai compris!" alors qu'on enterre à côté deux gosses tués dans une mise en scène de casse. Please!
Shad', oui, toi, réveille-toi, ce n'est pas le moment de sombrer.


Wake up.
ça chuchotait dans ma tête ce matin du 14 janvier. Je me levais la terreur au ventre. J'avançais vers Tunis avec une boule à la gorge. Oui, j'avais peur. Au final, je ne suis qu'une pauv' laxiste lâche, casanière & "casual". J'avais peur des balles, peur de ne plus revoir les miens. J'avais en tête les images des morts, des gens traqués.
J'y allais pour faire une pièce de la mosaïque humaine, pour grossir la foule. Pour ne plus laisser les autres choisir à ma place, pour ne plus attendre que ça parte tout seul, ou grâce aux autres.
Je voyais des visages inconnus & pourtant tellement familiers, bienveillants, heureux d'être en vie.
Je ressentais la foule, je la vivais. Je gueulais avec, j'évoluais avec.
Ma peur se fondait dans la rage collective, elle s'évacuait sur mes joues.
Je me surprenais à scander un hymne auquel je ne faisais jamais attention auparavant, à chercher avidement des yeux un drapeau qui avait perdu son couffinisme.
Je voyais des gens passer, sourire, s'excuser, s'aider, discuter, hurler en chœur. Des jeunes, des moins jeunes, des dames bureaucrates, des vieux aux bérets, des fonctionnaires, des ouvriers, des juges...
On étouffait toute violence, toute agressivité, & on soutenait toute défaillance.


Wake up.
Non, tu ne rêve pas. Tu es bien dans ce train que l'on rapportait attaqué par les foules en colère. Le train était quasi désert, tranquille, si l'on exclut cette vitre brusquement détachée en marche, & que deux jeunes se sont hâtés de poser dans un coin pour dégager le passage.
Non, tu ne rêve pas. Ceux que tu as laissé derrière se font courser, chasser à coups de bombes lacrymogènes. Your time is over, go home. Barra al3eb b3id. You're annoying us!
La gare brûle, et les gens tombent, oui, cette même gare que tu as laissé derrière toi. Oui, ça se passe dans le pays de la paix & de la sécurité. Bél amni wél amèn, ya7ya houna el insèn. Peut-être, mais il n'y meurt sûrement pas en amn wa amèn.


Wake up.
Oui, il s'est barré. Il a pris ses jambes à son cou, il a fui la colère de ses "fils & filles".
Phoque!
Tu peux respirer, tu peux te sentir libre. Pourquoi je n'y arrive pas?..

jeudi 20 janvier 2011

How I became Tunisian

Je me rappelle, il y a quelques années, que j'avais écrit une note où je déplorais mon espèce de crise identitaire, mon sentiment de non-appartenance.. (bél amara :) intitulée "des racines & un poulpe")
J'étais encore en plein dedans en sortant de ma fameuse grotte début décembre. Je n'avais aucune idée de ce qui se passait en Tunisie. Je reprenais un peu le contact, j'essayais de retrouver mes repères quand je suis tombée tout à fait par hasard sur cette actualité dérangeante, qui parlait d'un suicidé par immolation après avoir subi l'injustice implacable & cruelle du système. 
Acerbe & blasée, j'ai serré les dents en pronostiquant que le gouvernement n'en prendra guère compte, & que les suicides s'enchaîneront sans qu'un responsable daigne réagir. C'était pour moi un fait divers de plus pour me prouver que tout ce monde est con, que tout est noir, que l'on est foutu, etc.

Au fur & à mesure que je suivais "l'affaire", que les manifestations & les rebellions éclataient un peu partout, que je lisais les quelques personnes ouvertement hostiles au pouvoir en place, je sentais une colère sourde gronder, que je n'arrivais pas à définir.
C'est vrai, pourquoi je devrai être en colère? 
Comme on me le faisait abruptement remarquer l'autre jour, je n'ai a priori pas de quoi me plaindre. Je suis issue de la classe moyenne "chanceuse", d'une petite ville côtière "sans problème" (ou presque), je n'ai pas de pratique religieuse à défendre. J'ai profité des "acquis" du système en matière d'éducation & des droits de la femme, la police est là pour me protéger, et tant que je fais le bon toutou qui ne fourre pas son nez dans la politique comme on lui a appris, tout ira bien pour moi.

Sauf que la police a rarement été là pour me protéger. Notre police rendait mal à l'aise. Les abus policiers se faisaient de plus en plus fréquents, & à chaque fois que j'y avais affaire, je me sentais automatiquement agressée, bafouée, contrainte au silence.

J'ai peut-être profité des "plus" du système d'éducation, mais j'ai été préservée des "moins", de ces premières places accordées d'office au fils d'untel aux dépends de la fille de personne, à ces occasions auxquelles on ne pourrait jamais accéder sans jurer allégeance au parti au pouvoir, le fameux RCD. 
Ne parlons pas du principe même du système éducatif basé sur l'apprentissage bête, ou encore le raisonnement dirigé. Ne créons pas de libres penseurs, ne fâchons pas le monde.

J'ai peut-être joui d'une certaine liberté en tant que femme, mais quand je vois mon amie rentrer en pleurant parce qu'on lui a arraché son foulard de force & qu'on l'a traînée comme une criminelle au poste pour signer des papiers qui la cataloguent, je me pose des questions sur le concept.

Je ne m'intéressais peut-être pas à la politique mais j'en avais marre de devoir mesurer mes propos, de devoir me tourner ailleurs parce que nos médias s'obstinaient dans leur rôle de tout va bien dans le meilleur des monde, Ben Ali est le meilleur & nous sommes un peuple heureux, tellement heureux qu'il passe son temps à parler foot & à écouter de la bonne zik' semblable à un kafteji frit dans de l'huile de "léyya" super concentrée. Il n'y a rien à débattre, rien à signaler, l'on apprend pour nous, l'on décide pour nous, don't worry, don't think! gobe & ferme-la!

Je crois que je me suis surprise à atteindre ma propre limite de saturation de gobage intensif en voulant voir la réaction "officielle" face à ce qui s'est passé. La présentatrice télé avait un air méprisant & dédaigneux en annonçant à ce satané peuple ignorant, que les forces de police avaient tué deux personnes en légitime défense (pierre ciseaux, les armes à feu l'emporte). Le président, mécontent de ses fils irresponsables, proférait des menaces, & lançait le fameux "bikolli 7azm", en nous reprochant de lui faire honte devant les touristes. Aza77i! Pour qui tu NOUS prends!!

C'est alors que survint la transformation pokémon du toutou docile en clebs grognant. Parce que ce qui touche mes compatriotes me touche finalement, parce que ça aurait pu être mon ami, mon voisin, mon cousin. Parce que la main qui s'est impunément levée sur lui, peut faire de même pour moi aussi.
Parce qu'il était temps de me lever & de dire: non, je ne veux plus d'une mascarade qui nous gouverne. Je ne me tairai plus en espérant que le mal s'en ira tout seul, ou qu'on le chassera à ma place.

Paix à ton âme, Bouazizi, paix à toutes les victimes de ce système & de cette peur, & honte à moi, honte à ma lâcheté...

Pourquoi?.. Pourquoi pas? :)

Pourquoi reprendre ce blog en particulier, cette identité en particulier, de toutes mes péripéties possibles et imaginables sur le net?..
Eh bien, pourquoi pas :). Il faut croire que c'est elle qui était la plus authentique, et qui me tenait le plus à cœur, même si elle devenait par trop médiocre et pathétique sur la fin, et que j'aie dû la trucider d'un simple geste rageur et colérique.
& who knows.